Avec cette publication, Chêne-Pâquier fait pour la première fois l’objet d’une monographie1. On s’en étonnera, car la commune, trop souvent réduite à son magnifique temple elliptique et à ses vertes prairies, est l’une des plus anciennes de la région et l’une des seigneuries les plus vastes du Pays de Vaud. En proposant cet ouvrage, la Municipalité de Chêne-Pâquier et le groupe de travail qui en est l’instigateur ont donc comblé une importante lacune. Ils se sont donnés pour but d’intéresser les habitants à leur cadre de vie, de fournir des éléments qui aident à mieux le comprendre et de préserver le souvenir d’événements récents. Faute d’avoir pu analyser des documents d’archives – très peu ont été conservés – et sans prétendre avoir mené une étude historique approfondie, les auteurs relatent les grandes étapes de l’histoire de cette localité et mettent en évidence les éléments qui constituent sa singularité. Ils proposent également une iconographie souvent inédite, notamment des cartes postales anciennes qui, accompagnées de commentaires, enrichissent judicieusement le propos.
L’ouvrage s’articule en cinq chapitres thématiques. Le premier parcourt les temps les plus anciens, avec une mention passant très rapidement sur les premiers occupants du vallon des Vaux, au Néolithique et à l’âge du Bronze, et ceux du Pâquier, au Haut Moyen Age, attestés par une exceptionnelle stèle funéraire de l’époque mérovingienne (VIe-VIIe siècles). Mise au jour en 1821 et actuellement conservée dans la cure de Chêne-Pâquier, elle porte une croix, l’une des plus anciennes connues dans le canton de Vaud2. On s’attarde davantage sur les seigneurs de Saint-Martin du Chêne qui, au début du XIIe siècle, résidaient dans le bourg au pied de la tour Saint-Martin, actuellement sur la commune de Molondin. Le texte poursuit avec l’histoire plus récente de cette même tour, classée Monument historique en 1911, acquise par le Canton en 1914, puis équipée d’un étroit escalier en 1962. En 2013, les autorités cantonales ferment les lieux, jugés dangereux. Mais Molondin et Chêne-Pâquier se mobilisent et une association des Amis de la Tour est créée, qui lance une souscription publique pour financer le nouvel escalier hélicoïdal posé en 2015.
Le deuxième chapitre est consacré au fameux temple elliptique, inauguré en 1667, « alors que […] le très noble Albert Manuel était Bailly d’Yverdon »3. Principale originalité de l’édifice, son plan a été conçu pour répondre aux besoins du culte réformé, à savoir réunir la communauté autour des deux lieux essentiels du service religieux « là où la Parole est prêchée et les sacrements (cène et baptême) sont administrés ». Deux autres temples sont comparables : Othmarsingen, en Argovie, et Oron, tous deux construits peu après par l’architecte bernois A. Dünz, peut-être à l’origine du plan de l’église de Chêne-Pâquier. Sont ensuite énumérés différents événements en relation avec le temple : travaux de rénovation (1963, 1999 à 2006), création de l’association L’Ellipse dans le but d’entretenir le monument et ses abords (2000), rénovation des cloches (2016), fêtes du 500e anniversaire de la Réforme et du 350e anniversaire de l’église (2017). On y découvre également le tilleul de la cure voisine, vénérable bi-centenaire planté à l’occasion du 14 avril 1803.
Différents aspects de la vie économique, agricole et artisanale du village d’autrefois sont présentés dans le troisième chapitre. En l’absence de documents et faute d’analyses approfondies, les premiers temps de la seigneurie sont difficiles à retracer. Les chiffres donnent un aperçu des grandes tendances démographiques : au XVIe siècle, Chêne et Pâquier comptent près de 70 personnes, puis la population augmente progressivement, jusqu’à atteindre 200 personnes dans les années 1850 ; elle décroît ensuite, pour remonter au début du XXIe siècle, si bien qu’on dénombre 138 habitants à la fin de 2017. En tout temps, les activités économiques sont celles de n’importe quel village de la région : les maisons sont pourvues de jardins potagers, les forêts fournissent le bois et les haies l’osier nécessaires aux besoins des habitants. On retiendra surtout l’existence d’une « Société de laiterie », fondée en 1888 et active jusqu’en 1997, qui vend le lait des producteurs de Chêne-Pâquier à la Maison Nestlé (Vevey et Orbe), et de petits commerces qui ferment leurs portes dans les années 1990, grande époque de centralisation. Avec le nouveau millénaire apparaissent de nouvelles entreprises actives dans le domaine des énergies et du chauffage, ainsi que dans des secteurs aussi variés inattendus en milieu rural que l’immobilier et la décoration intérieure.
Le quatrième chapitre traite de l’histoire des écoles. A Chêne-Pâquier, l’école apparaît officiellement sous le régime bernois, au début du XVIIe siècle. A la fin du XVIIIe siècle, les effectifs augmentent à tel point qu’on demande à Leurs Excellences de Berne une maison de commune, avec un logement pour le régent et une cloche pour annoncer l’ouverture de la salle de classe. Seule la cloche aurait été acceptée, datée de 1772 et encore présente dans le temple. Le premier bâtiment scolaire n’est édifié qu’en 1818, suivi d’un autre, en 1949, aujourd’hui siège de l’administration communale, tandis qu’actuellement, en raison du regroupement scolaire, les élèves quittent chaque matin leur village pour se rendre à l’école.
Le dernier chapitre, enfin, s’intéresse aux sols et au réseau routier, à la distribution et à l’épuration des eaux. La force hydraulique est exploitée au Maupas, à l’est de la localité, dès le milieu du XIXe siècle, par une « Société de la mécanique à battre le grain », remplacée en 1870 par une « Scie mécanique » actionnée par une machine à vapeur, le débit de la rivière n’étant pas suffisant pour faire tourner la roue à aubes. Le chapitre se conclut sur les options durables retenues récemment, telle la renaturation de l’affluent du Maupas, et les équipements intercommunaux : station d’épuration à Molondin (1995), déchetterie intercommunale (2004), réseau intercommunal des eaux et réservoirs (2013).
En définitive, cette plaquette permet de faire plus ample connaissance avec un village au riche passé, situé dans une région encore méconnue parce que trop peu souvent étudiée. A l’aide de documents intéressants, les grandes lignes de l’histoire de la commune sont retracées et des informations sur l’histoire récente consignées, ouvrant ainsi la voie, osons-nous l’espérer, à de plus amples études. L’ouvrage peut être commandé auprès de la Commune.
1 Voir Gilbert Coutaz, « Panorama des monographies communales et régionales vaudoises : un premier bilan à l’occasion du bicentenaire du canton de Vaud », in RHV, 111, 2003, pp. 94-239 et Gilbert Coutaz, « Panorama des monographies communales et régionales vaudoises. Un bilan complémentaire (2003-2012) », in RHV, 121, 2013, pp. 99-136.
2 Le lecteur qui souhaiterait en savoir davantage sur ces périodes anciennes pourra utilement se rendre à la tour Saint-Martin pour consulter les informations – textes, plans et chronologie – fournies par Daniel de Raemy pour la Section Monuments et sites de l’Etat de Vaud.
3 Comme l’indique l’inscription gravée au-dessus de l’entrée de l’édifice. Relevons ici qu’Albert Manuel est représenté sur une très belle huile sur toile conservée au Musée d’Yverdon et région. Voir Patricia Brand, « La figure de Berne en terre vaudoise », France Terrier dir., Musée d’Yverdon et région. 250 objets, Gollion : Infolio, 2019, pp. 186-187.
Zitierweise:
Terrier, France: Rezension zu: Durussel, André; Veya, Jean-Marie: et al., Chêne-Pâquier à la lumière de son passé, Chêne-Pâquier 2019. Zuerst erschienen in: Revue historique neuchâteloise, Vol. 1, 2020. Online: <https://svha-vd.ch/cr6-pierre-yves-frei-et-sandra-marongiu-un-tsunami-sur-le-leman/>